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L'Annexe du blog Rimbaud passion

3 février 2018

lieux et distances

Dildila-Ankober = Antoto-Ankober: 110 km (Borelli) 120 km (Audon, chap VII)

Temps de marche: quinze jours.

 

"les cent dix kilomètres qui séparent Dildila d'Ankoboer" (journal de Borelli)

"Il faut aller vers Ankober, au marché d'Ali Amba. C'est une excursion de quinze jours. (Journal de Borelli,  19 août 1886)

"Le marché d'Ali Amba à quelques heures d'Ankober"  (Journal de Borelli,  20 septembre 1886)

"Le marché d'Antoto est à deux kilomètres de la ville" (14 août 1886)

Dildila est le nom d'Antoto en Oromo ("le roi fait sa résidence d'Antoto (Dildila en oromo et Tchager-Tchanak pour les Amhara" - 29 juillet 1886). Borelli marque le plus souvent Antoto en tête des dates de son journal.  Mais il arrive qu'ensuite dans le texte il parle de "Dildila" qui est en fait Antoto. Sinon,  le nouvel Antoto passerait pour avoir été bâti à Dildila, mais sans ôter le nom oromo qui se trouverait être le nom d'une localité distincte, juste à côté de l'emplacement d'Antoto nuovo. Borelli parle plusieurs fois aussi du "plateau de Dildila". On pourrait dire "le plateau d'Antoto".

Deux exemples d'emploi du nom "Dildila":

Antoto, 18 octobre 1887: "Je remonte à Dildila"

Antoto, 16 octobre 1887: " ... qui conduit du plateau de Dildila aux plaines de Finefini"

 

"Dildila, le samedi 29 janvier 1887": là, son en-tête n'est plus "Antoto", mais il s'agit bien d'Antoto, apparemment. 

 

 

*

Mont Watchacha: 

"Je me dirige vers le Watchacha qui s'élève à l'est d'Antoto. (12 mars 1887)

  Le "vieil Entotto" est situé sur le mont Wechacha ("Autour du vieil Antoto")

Finfinni

"Eau bouillante" (Finfinni) 

Théophile Lefebvre, en 1841 accompagne le roi Sahle-Sellassie "aux sources thermales de Finefinie"

 

*

Herrer (la vallée de): aux environs de Harar (ou Harrar): 

voir Une expédition avec le Négouss Ménélik, vingt mois en Abyssinie (1896) de J.G. Vanderheym, chap 1, p 41-44 pages consacrées au Harar.

Kataba: à 10 km d'Antoto (source Audon)

Bali: direction sud d'Antoto, à dix heures de marche d'Entoto  (source Audon, chap IX)

Fallé: à environ 35 km d'Entoto (source Audon, chap XI) à six heures de marche d'Antoto (Borelli, 3 novembre 1886)

Aouache (l') ou l'Hawache: rivière qui prend sa source au pied du massif de Dildila, à l'ouest et à quelque 70km d'Entoto. Après avoir parcouru un grand arc de cercle au sud, remonte vers le nord, après une grande inflexion vers l'est, à la hauteur des pays wollos gallas, va à travers le désert dankali pour se jeter dans le lac aoussa.(source Audon, chap IX)

 

Illustration 1 – Répartition des eucalyptus à Addis Abeba

http://journals.openedition.org/echogeo/13936

plans Addis-Abeba:

https://www.google.fr/maps/place/Kechenie+Medhanealem+Orthodox+Cemetery,+Addis+Ababa,+%C3%89thiopie/@9.0634188,38.7394578,14z/data=!4m5!3m4!1s0x164b8f3c46278387:0x7159ba4f979b0e2e!8m2!3d9.0592187!4d38.7544897

https://www.google.fr/maps/place/Finfine+Adarash+Hotel/@9.0424049,38.7311126,13z/data=!4m5!3m4!1s0x0:0xd710c5580b3ac2fa!8m2!3d9.0174834!4d38.7585784

 

 

*

Sur la maison d'ILG:

CHP VIII Audon

"dressée sur un tertre bien arrosé, regardant le sud et la vaste plaine des pays Gallas, avec la perspective des monts Sequala et Errer.

Selon Un train en Afrique, elle se trouve au flanc du Wechacha

http://www.africantrain.org/alfred-ilg-a-entotto

 

"Alfred Ilg arrive à Ankober en début 1878 (il répond à une demande de Ménélik, qui transite par la société Furrer & Esher, établie à Aden. Ilg est accompagné de Zimmermann et Appenzeller.) puis, selon Keller cité par Anfray, il s’installe à Entotto (vieil Entotto, colline du Wachacha) en avril 1878. Ensuite, en 1887, Ménélik déménage sa capitale pour l’établir à Finfinne, qui devient Addis Abeba. Ce cliché a donc été vraisemblablement pris entre ces deux dates."

"En feuilletant « Ethiopian records of the Menilek era : selected Amharic documents from the Nachlass of Alfred Ilg, 1884-1900 » de Bairu Tafla., Wiesbaden, Harrassowitz, 2000, je m’aperçois que Ilg a envoyé des lettres depuis Ankober en 1889 et 1890 notamment. D’autre part, la fondation de Entotto date de 1881, soit trois années après l’arrivée de Ilg en Ethiopie."

http://www.africantrain.org/alfred-ilg-a-entotto

*

Voyage au bout du monde, dans la vallée de l'Omo:

https://www.dailymotion.com/video/x4doeu1

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24 janvier 2018

Sur César Tian

Sur le site Un train en Afrique, je vis que son créateur cherchait une photo de César Tian. J'allai au trombinoscope du site Mag4.net (fermé depuis longtemps mais auquel je me réfère souvent) et je trouvai une reproduction du portrait photographique (et non de la photo, accompagnée d'une légende fort instructive):

http://www.mag4.net/Rimbaud/photos/tian.html

Le créateur du site Un train en Afrique me remercia et me dit que c'était dommage que Mag4.net ne donne pas la source. C'est vrai que je n'avais pas pensé à la chercher, mais ça m'a mis trois secondes pour trouver. A quoi sert un moteur de recherche!... J'ai tapé "César Tian", et dans les images affichées, j'ai tout de suite repéré la photo, j'ai cliqué et suis tombé sur Gallica avec le recto et verso, - du miel, de la manne pour nous!

recto photo: 

[César Tian] / Cayol frères

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84528885/f1.item

 

 Verso photo (qui donne bien des renseignements, écrits à la plume: "César Tian, Aden. César Tian, français établi à Aden, voyageur à Zeila, Berbera, et au Harrar. Assistance aux voyageurs français [qui on visité?] Aden et la région voisine. Offert par Jacques Revoil , 5.8.84. La photo a été prise par les photographes Cayol frères établis à Marseille.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84528885/f2.item

 

Gallica est une merveille pour les chercheurs de vieux documents! 

Voici sinon d'autres photos de Caillol frères (pour vous dire que la photo de César Tian n'est pas la seule que l'on connaisse d'eux):

César Tian avait-il un rapport à la photo de groupe prise à Antotto? Se pouvait-il qu'il puisse y figurer? 

Je connaissais son nom, bien sûr, mais ne m'était pas spécialement intéressé à lui. Alors je me suis un peu penché sur lui en faisant appel à la correspondance rimbaldienne.

Rimbaud nomme César Tian la première fois le 6 mars 1882, ensuite dans un reçu du 9 octobre 1885. On sait qu'en octobre 1887, une caravane appartenant à César Tian sera pillée à Tadjourah. On sait que Maurice Riès a travaillé de longues années pour César Tian, soit à Aden, soit à Marseille, où il seconderai ou remplacerait Paul Tian. Donc, César a dû se faire prendre en photo lors d'un séjour à Marseille pour rejoindre son frère. Rimbaud écrit à Monseigneur Taurin-Cahagne le 4 novembre 1887: "M. Tian rentre à Aden fin novembre." On sait qu'il était à Aden le 25 janvier 1886 par son courrier de cette date à Labatut. Dans un entrefilet du Temps du 23 octobre 1887 (qu'on a attribué à Rimbaud déclarant le 15 décembre 1887 qu'il a envoyé des articles au Temps) est rapportée et commentée l'attaque d'une caravane pour le Choa, appartenant à "trois de nos compatriotes. MM. Tian, Savouré et Pinaud". Le 1er février 1888, Rimbaud écrit à Ilg: "Mr Tian a vendu après vous l'ivoire de Brémond". 

Tout cela je l'ai tiré de la Correspondance de Rimbaud annoté par Lefrère, il écrit une longue note sur César Tian sous une missive adressée à Rimbaud en mars 1888: 

"Mr Rimbaud

César Tian

Venez me voir demain matin je vous prie

Aden"

Je ne recopierai pas la note p 597. 

Le 29 mars 1888, Rimbaud écrit d'Aden à Ilg: "A Aden, Monsieur Tian correspondra avec moi, et aussi Monsieur Bardey. Cité également le 4 avril 1888, le 4 juillet 1888, par Borelli écrivant à Rimbaud de Antotto, 26 juillet 1888

J'arrête-là, mais il est cité encore de nombreuses autres fois.

 

A suivre...

24 janvier 2018

Journal de Jules Borelli du 7 avril au 3 mai 1887

 

 

 

24 janvier 2018

Journal de Jules Borelli - 10 mars 1887

 

24 janvier 2018

Lettre de Arthur Rimbaud le 9 novembre 1887, Aden, à Emile de Gaspary, vice-consul de France à Aden

Mercredi 9 novembre 1887, Aden

Rimbaud à Émile de Gaspary, vice-consul de France à Aden



Aden 9 novembre 1887

Monsieur de Gaspary

Consul de France

Aden



Monsieur,



Je reçois votre lettre du 8 et je prends note de vos observations.

Je vous envoie la copie de compte des frais de la caravane Labatut, devant garder par devers moi l'original parce que le chef de caravane qui l'a signé a volé par la suite une partie des fonds que l'Azzaze lui avait comptés pour le paiement des chameaux. L'Azzaze s'entête en effet à ne jamais verser les frais de caravane aux Européens eux-mêmes, qui régleraient ainsi sans difficulté: les Dankalis là une belle occasion d'embrouiller l'Azzaze et le Franghi à la fois, et chacun des Européens s'est vu ainsi arracher par les Bédouins 75% en plus de ses frais de caravane, l'Azzaze et Ménélik lui[-]même ayant l'habitude, avant l'ouverture de la route du Harar, de donner invariablement raison au Bédouin contre le Franghi. C'est prévenu de tout cela que j'eus l'idée de faire signer un compte de caravane à mon chef. Cela ne l'empêcha pas, au moment de mon départ, de me porter devant le Roi en réclamant q[uel]que 400 thalers en plus du compte approuvé par lui ! Il avait en cette occasion pour avocat le redoutable bandit Mohammed Abou-Beker, l'ennemi des négociants et voyageurs Européens au Choa. Mais le roi, sans considérer la signature du Bédouin, (car les papiers ne sont rien du tout au Choa) comprit qu'il mentait, insulta par occasion Mohammed, qui se démenait contre moi en furieux, et me condamna seulement une somme de 30 t[halers] et un fusil Remington : mais je payai rien du tout. J'appris par la suite que le chef de caravane avait prélevé ces 400 thalers sur le fond [donné] versé par l'azzaze entre ses mains pour le paiement des Bédouins, et qu'il les avait employés en achat d'esclaves qu'il envoya avec la caravane de MM. Savouré, Dimitri, Brémond, et qui moururent tous en route, lui[-]même alla se cacher au Djimma Abba Djifar, où l'on dit qu'il est mort de la dissenterie [sic]. L'azzaze eut donc, un mois après mon départ, à rembourser ces 400 t[halers] aux Bédouins, mais si j'avais été présent, il me les aurait certain[eme]ent fait payer.

Les ennemis les plus dangereux des Européens en toutes ces occasions sont les Abou Beker, par la facilité qu'ils ont d'approcher l'azzaze et le Roi, pour nous calomnier, dénigrer nos manières, pervertir nos intentions. Aux Bédouins dankalis ils donnent effrontément l'exemple du vol, les conseils d'assassinat et de pillage. L'impunité leur ait assurée en tout par l'autorité abyssine, et par l'autorité européenne sur les c[ô]tes, qu'ils dupent grossièrement l'une et l'autre. Il y a même des Français au Choa qui, pillés en route par Mohammed, et à présent encore en butte à toutes ses intrigues, vous disent néanmoins : « Mohammed, c'est un bon garçon ! » - Mais les quelques Européens au Choa et au Harar qui connaissent les mœurs et la politique de ces gens, exécrés par toutes les tribus Issa Dankali, par les Galla et les Amhara, fuient leur approche comme la peste.

Les 34 Abyssins de mon escorte m'avaient bien, à Sagalo, avant le départ, fait signer une obligation de leur payer à chacun th[alaris] 15 pour la route et 2 mois de paie arriérés, mais, à Ankobeur, irrité de leurs insolentes réclamations, je le leur saisis le bon et le déchirait devant eux ; il y eut par suite plainte à l'azzaze, etc. etc., - Jamais d'ailleurs on ne prend de reçus de gages payés aux domestiques au Choa ; ils trouveraient cet acte très étrange, et se croiraient très en danger d'on ne sait quoi.

Je n'aurais pas payé à l'azzaze les 300 th[alers] pour Labatut si je n'avais découvert moi[-]même, dans un vieux calepin trouvé à la baraque de Mme Labatut, une annotation de l'écriture de Labatut portant reçu de l'azzaze de cinq okiètes d'ivoire moins q[uel]ques rotolis. Labatut rédigeait en effet ses « mémoires » : j'en ramassai 34 volumes, soit 34 calepins, au domicile de sa veuve, et, malgré les imprécations de cette dernière, je les livrai aux flammes, ce qui fut, m'expliqua t-on un grand malheur, quelques titres de propriété se trouvant intercalés parmi ces confessions qui parcourues à la légère, m'avaient paru indignes d'un examen sérieux.

D'ailleurs ce Sycophante d'azzaze, débouchant à Farré avec ses bourriques au moment où je débouchais avec mes chameaux, m'avait immédiatement insinué, après les salutations, que le Frangui, au nom de qui j'arrivais, avait avec lui un compte immense, et il avait l'air de me demander la caravane entière en gage. Je calmai ses ardeurs provisoirement par l'offre d'une lunette à moi, de q[uel]ques flacons de dragées Morton. Et je lui expédiai par la suite, à distance, ce qui me semblait réellement son dû. Il fut amèrement désillusionné, et agit toujours très hostilement avec moi ; entr'autres, il empêcha l'autre sycophante, l'aboûne, de me payer une charge de raisins secs qui lui apportais pour la fabric[ati]on du petit vin des messes.

Quant aux diverses créances que j'ai payées sur Labatut, cela s'opérait de la manière suivante :

Arrivait par exemple chez moi un Dedjatch, et s'asseyait à boire mon tedj en vantant les nobles qualités de l'ami, feu Labatut, et en manifestant l'espoir de découvrir en moi les mêmes vertus. A la vue d'un mulet broutant la pelouse, on s'écriait : « C'est ça le mulet que j'ai donné à Labatut » (on ne disait pas que le burnous qu'on avait sur le dos, c'était Labatut qui l'avait donné!) «- D'ailleurs, ajoutait-on, il est resté mon débiteur pour 70 thalers, ou 50 ou 60, etc, » Et on insistait sur cette réclamation, si bien que je congédiais le noble malandrin en lui disant  « Allez au roi » ça veut à peu près dire « Allez au diable » - Mais le Roi me faisait payer une partie de la réclamation, ajoutant hypocritement qu'il paierait le reste !

Mais j'ai payé aussi sur des réclamations fondées, par exemple, à leurs femmes, les gages de domestiques morts en route à la descente de Labatut – ou bien c'était le remboursement de quelque 30, 15, 12 thalers que Labatut avait pris de quelques paysans en leur promettant en retour q[uel]que fusil, q[uel]ques étoffes, etc. Ces pauvres gens étant toujours de bonne foi, je me laissais toucher et je payais. Il me fut aussi réclamé une somme de 20 thalers pour un Mr Dubois, je vis qu'il y avait un droit, et je payai en ajoutant pour les intérêts une paire de mes souliers, ce pauvre diable se plaignant d'aller nu-pieds.

Mais la nouvelle de mes vertueux procédés se répandant au loin, il se leva de ci de là toute une série, toute une bande, toute une horde de créanciers à la Labatut, avec des boniments à faire pâlir, et cela modifia mes dispositions bienveillantes, et je pris la détermination de descendre du Choa au pas acceléré. Je me rappelle qu'au matin de mon départ, trottant déjà vers le N.N.E., je vis surgir d'un buisson un délégué d'une femme d'un ami de Labatut, me réclamant au nom de la Vierge Marie une somme de 19 thalers, et plus loin, se précipitait du haut d'un promontoire un être avec une pèlerine en peau de mouton, me demandant si j'avais payé 12 thalers à son frère, empruntés par Labatut, etc, etc. A ceux-là je criai qu'il n'était plus temps !

La veuve Labatut, m'avait, à ma montée à Ankôbeur, intenté auprès de l'azzaze un procès épineux tendant à la revendication de la succession. Mr Hénon, voyageur français, s'était constitué son avocat dans cette noble tâche, et c'était lui qui me faisait citer, et qui dictait à la veuve l'énoncé de ses prétentions, avec l'aide deux vieilles avocates amhara. Après d'odieux débats, où j'avais tantôt le dessus, tantôt le dessous, l'azzaze me donna un ordre de saisie aux maisons du défunt. Mais la veuve avait déjà caché au loin q[uel]ques centaines de thalers de marchandises, d'effets et de curiosités laissés par lui, et à la saisie, que j'opérai non sans résistance, je ne trouvai que quelques vieux caleçons dont s'empara la veuve avec des larmes de feu, quelques moules à balles, et une douzaine d'esclaves femelles enceintes que je laissai. Mr Hénon intenta au nom de la veuve une action en appel, et l'Azazze ahuri abandonna la chose au jugement des Franguis présents alors à Ankôbeurre. Mr Brémond décida alors que, mon affaire paraissant déjà assez désastreuse, je n'aurais à céder à cette mégère que les terrains, jardins et bestiaux du défunt, et que, à mon départ, les Européens se cotiseraient pour une somme de cent thalaris à donner à donner à la femme. Mr Hénon, procureur de la plaignante, se chargea de l'opération, et resta lui-même à Ankôbeurre.

"La veille de mon départ d'Antotto, montant avec M.Ilg  chez le Monarque pour prendre le bon sur le Dedjatch du Harar, j'aperçus derrière moi dans la montagne le casque de M.Hénon qui, apprenant mon départ, avait franchi avec rapidité les 120 kilomètres d'Ankobeurre à Antotto, et derrière lui le burnous de la frénétique veuve, serpentant au long des précipices. Chez le Roi[,] je dus faire antichambre quelques heures, et ils tentèrent auprès de lui une démarche désespérée. Mais quand je fus introduit,  M.Ilg me dit en q[uel]ques mots qu'ils n'avaient pas réussi. Le monarque déclara qu'il avait été l'ami de ce Labatut, et qu'il avait l'intention de perpétuer son amitié sur sa descendance, et comme preuve, il retira de suite à la veuve la jouissance des terres qu'il avait données à Labatut!

"Le but de M.Hénon était de me faire payer les cent thalers qu'il devait, lui, réunir pour la veuve chez les Européens. J'appris qu'après mon départ, la souscription n'eut pas lieu!

"M. Ilg, en raison de sa connaissance des langues et de son honnêteté, est généralement employé par le roi au règlement des affaires de la cour avec les Européens, me faisait  comprendre que Ménélik se prétendait de fortes créances sur Labatut. En effet, le jour où l'on fit le prix de mes mises, Ménélik dit qu'il lui était dû beaucoup, ce à quoi je ripostai en demandant des preuves. C'était un samedi, et le roi reprit qu'on consulterait les comptes. Le lundi[,] le Roi déclara que, ayant fait dérouler les cornets qui servent d'archives, il avait retrouvé une somme d'environ 3500 thalaris, et qu'il la soustrayait de mon compte, et que d'ailleurs, en vérité, tout le bien de Labatut devait lui revenir, tout cela d'un ton qui n'admettait pas de contestation. J'alléguais les créanciers européens, produisant ma créance en dernier lieu, et sur les remontrances de M. Ilg, le roi consentit hypocritement à abandonner les huitièmes de sa déclaration.

Pour moi, je suis convaincu que le Négouss m'a volé, et, ses marchandises circulant sur des routes que je suis encore condamné à parcourir, j'espère pouvoir les saisir un jour pour la valeur de ce qu'il me doit, de même que j'ai à saisir le Ras Govana pour une somme de six cents thalaris, dans le cas où il persisterait dans ses réclamations après que le Roi lui a fait dire de se taire, ce que le Roi fait toujours dire aux autres quand il s'est payé lui-même.

 - Telle est, Monsieur le Consul, la relation de mon paiement des créances sur la carav[an]e Labatut aux indigènes, excusez-moi de vous l'avoir faite en ce style, pour faire diversion à la nature des souvenirs que me laissa cette affaire, et qui sont en somme très désagréables.

Agréez, Monsieur le Consul, l'assurance de mon respectueux dévouement.

Rimbaud


[Suit un compte des frais de la caravane Labatut, signé et approuvé à Ankober par le chef de la caravane Mohammed Chaîm.]



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24 janvier 2018

Lettre de Rimbaud parue dans le Bosphore égyptien le 25 et 27 août 1887

Lettre parue dans le Bosphore égyptien du jeudi 25 et du samedi 27 août 1887 (n° 1736 et 1737)



M. RIMBAUD

au Harrar et au Choa



  1. Rimbaud, le voyageur français bien connu, dont nous avons annoncé l'arrivée au Caire, nous adresse la lecture suivant qui présente un puissant intérêt et des renseignements complètement inédits sur le Harrar et le Choa.



Monsieur le Directeur du Bosphore Egyptien,

 

  Monsieur,

De retour d'un voyage en Abyssinie et au Harrar, je me suis permis de vous adresser les quelques notes suivantes sur l'état actuel des choses dans cette région. Je pense qu'elles contiennent quelques renseignements inédits, et quant aux opinions y énoncées, elles me sont suggérées par une expérience de sept années de séjour là-bas.

Comme il s'agit d'un voyage circulaire entre Obock, le Choa, Harrar et Zeilah, permettez[-]moi d'expliquer que je descendis à Tadjourah au commencement de l'an passé dans le but d'y former une caravane à destination du Choa.

Ma caravane se composait de quelques milliers de fusils à capsules et d'une commande d'outils et fournitures diverses pour le roi Ménélik. Elle fut retenue une année entière à Tadjourah par les Dankalis, qui procèdent de la même manière avec tous les voyageurs, ne leur ouvrant la route qu'après les avoir dépouillés de tout le possible. Une autre caravane, dont les marchandises débarquèrent à Tadjourah avec les miennes, n'a réussi à se mettre en marche qu'au bout de quinze mois, et les mille Remington apportés par feu Soleillet à la même date gisent encore après dix-neuf mois sous l'unique bosquet de palmiers du village.

A six courtes étapes de Tadjourah, soit environ soixante kilomètres, les caravanes descendent au lac salé par des routes horribles rappelant l'horreur présumée des paysages lunaires. Il paraît qu'il se forme actuellement une société français pour l'exploitation de ce sel.

Certes, le sel existe, en surfaces très étendues, et peut-être assez profondes, quoiqu'on n'ait pas fait de sondages. L'analyse l'aurait déclaré cliniquement pur, quoiqu'il se trouve déposé, sans filtrations, au bord du lac. Mais il est fort à douter que la vente couvre les frais du percement d'une voie pour l'établissement d'un Decauville, entre la plage du lac et celle du golfe de Goubett-Kérab, les frais de personnel et de main d'oeuvre, qui seraient excessivement élevés, tous les travailleurs devant être importés parce que les Bédouins Dankalis ne travaillent pas, et l'entretien d'une troupe armée pour protéger les travaux.

Pour en revenir à la question des débouchés, il est à observer que l'important saline de Cheik Othman, faite près d'Aden par une société italienne, dans des conditions exceptionnellement avantageuses, ne paraît pas encore avoir trouvé de débouché pour les montagnes de sel qu'elle a en stock.

Le ministère de la marine a accordé cette concession aux pétitionnaires, personnes trafiquant autrefois au Choa, à condition qu'elles se procurent l'acquiescement des chefs intéressés de la côte et de l'intérieur. Le gouvernement s'est d'ailleurs réservé un droit par tonne, et a versé une quotité pour l'exploitation libre par les indigènes. Les chefs intéressés sont le sultan de Tadjourah, qui serait propriétaire héréditaire de quelques massifs de roches dans les environs du lac (il est très disposé à vendre ses droits) ; le chef de la tribu des Debné, qui occupe notre route, du lac jusqu'à Hérer, le sultan Loïta lequel touche du gouvernement français une paie mensuelle de cent cinquante thalers pour ennuyer le moins possible les voyageurs ; le sultan Hanfaré de l'Aoussa qui peut trouver du sel ailleurs, mais qui prétend avoir le droit partout chez les Dankalis ; et enfin Ménélik, chez qui la tribu des Debéné [sic], et d'autres, apportent annuellement quelques milliers de chameaux de ce sel, peut-être moins d'un millier de tonnes. Ménélik a réclamé au gouvernement quand il a été averti des agissements de la société et du don de la concession. Mais la part réservée dans la concession suffit au trafic de la tribu des Debné et aux besoins culinaires du Choa, le sel en grain ne passant pas comme monnaie en Abyssinie.

Notre route est dite route Gôbat, du nom de sa quinzième station, où paissent ordinairement les troupeaux des Debnés, nos alliés. Elle compte environ vingt trois étapes, jusqu'à Hérer, par les paysages les plus affreux de ce côté de l'Afrique. Elle est fort dangereuse par le fait que les Débené, tribu d'ailleurs les plus misérables, qui font les transports, sont éternellement en guerre avec les tribus Moudeïtos et Assa Imara, et à gauche avec les Issa Somali. Au Hérer, pâturages à une altitude d'environ 800 mètres à environ soixante kilomètres du pied du plateau des Itous Gallas, les Dankalis et les Issas paissent leurs troupeaux en état de neutralité généralement. De Hérer on parvient à l'Hawach en huit ou neuf jours. Ménélik a décidé d'établir un poste armé dans les plaines du Hérer pour la protection des caravanes ; ce poste se relierait avec ceux des Abyssins dans les monts Itous.

L'agent du Roi au Harar, le Dedjazmatche Mékounène, a expédié du Harar au Choa par la voie de Hérer les trois millions de cartouches Remington et autres munitions que les commissaires anglais avaient fait abandonner au profit de l'Emir Abdoullahi lors de l'évacuation égyptienne.

Toute cette route a été relevée astronomiquement, pour la première fois, par Monsieur Jules Borelli, en mai 1886, et ce travail est relié géodésiquement par la topographie, en sens parallèle des monts Itous, qu'il a faite dans son récent voyage au Harrar.

En arrivant à l'Hawach on est stupéfait en se remémorant les projets de canalisation de certains voyageurs. Le pauvre Soleillet avait une embarcation spéciale en construction à Nantes dans ce but ! L'Hawach est une rigole tortueuse et obstruée à chaque pas par les arbres et les roches : je l'ai passé à plusieurs points à plusieurs centaines de kilomètres, et il est évident qu'il est impossible de le descendre même pendant les crues. D'ailleurs il est partout bordé de forêts et de déserts, éloigné des centres commerciaux et ne s'embranchant avec aucune route. Ménélik a fait faire deux ponts sur l'Hawach l'un sur la route d'Antotto au Gouragné, l'autre sur celle d'Ankober au Harrar par les Itous. Ce sont de simples passerelles en troncs d'arbres, destinées au passage des troupes pendant les pluies et les crues, et néanmoins ce sont des travaux remarquables pour le Choa.

- Tous frais réglés, à l'arrivée au Choa, le transport de mes marchandises, cent charges de chameau, se trouvait me coûter huit mille thalers, soit quatre-vingts thalers par chameau, sur une longueur de cinq cent kilomètres, seulement. Cette proportion n'est égalée sur aucune des routes de caravanes Africaines : cependant je marchais avec toute l'économie possible et une très longue expérience de ces contrées. Sous tous les rapports, cette route est désastreuse, et est heureusement remplacée par la route de Zeilah au Harrar et du Harrar au Choa par les Itous.

- Ménélik se trouvait encore en campagne au Harrar quand je parvins à Farré, point d'arrivée et de départ des caravanes et limite de la race Dankalie. Bientôt arriva à Ankober la nouvelle de la victoire du Roi [,] de son entrée au Harrar, et l'annonce de son retour, lequel s'effectua en une vingtaine de jours. Il entra à Antotto précédé des musiciens sonnant à tue-tête des trompettes égyptiennes trouvées au Harrar, et suivi de sa troupe et de son butin, parmi lequel deux canons Krupp transportés chacun par quatre-vingt hommes.

Ménélik avait depuis longtemps l'intention de s'emparer du Harrar, où il croyait trouver un arsenal formidable, et en avait prévenu les agents politiques français et anglais sur la côte. Dans les dernières années, les troupes Abyssines rançonnaient régulièrement les Itous ; elles finirent par s'y établir. D'un autre côté, l'Emir Abdullaï, depuis le départ de Radouan Pacha avec les troupes égyptiennes s'organisait une petite armée et rêvait de devenir le Mahdi des tribus musulmanes du centre du Harrar. Il écrivit à Ménélik, revendiquant la frontière de l'Hawach et lui intimant de convertir à l'Islam. Un poste abyssin s'étant avancé jusqu'à quelques jours du Harrar, l'Emir envoya pour les disperser quelques canons et quelques Turcs restés à son service : les Abyssins furent battus, mais Ménélik irrité se mit en marche lui-même d'Antotto, avec une trentaine de mille guerriers. La rencontre eut lieu à Shalanko, à soixante kilomètres ouest du Harrar, là où Nadi Pacha avait, quatre années auparavant, battu les tribus Galla des Méta et des Oborra.

L'engagement dura à peine un quart d'heure, l'Emir n'avait que quelques centaines de Remington, le reste de sa troupe combattant à l'arme blanche. Ses trois mille guerriers furent sabrés et écrasés en un clin d'oeil par ceux du roi du Choa. Environ deux cent Soudanais, Egyptiens et Turcs, restés auprès d'Abdullaï après l'évacuation égyptienne, périrent avec les guerriers Gallas et Somalis. Et c'est ce qui fit dire à leur retour aux soldats Choanais qui n'avaient jamais tué de blancs, qu'ils rapportaient les couilles de tous les Franguis du Harrar.

L'Emir put s'enfuir au Harrar, d'où il partit la même nuit, pour aller se réfugier chez le chef de la tribu des Guerrys, à l'est du Harrar dans la direction de Berbera. Ménélik entra quelques jours ensuite au Harrar sans résistance, et ayant consigné ses troupes hors de la ville[,] aucun village n'eut lieu. Le monarque se borna à frapper une imposition de soixante quinze mille thalers sur la ville et la contrée, à confisquer, selon le droit de guerre Abyssin, les biens meubles et immeubles des vaincus morts dans la bataille, et à aller emporter lui-même des maisons des européens et des autres tous les objets qui lui plurent. Il se fit remettre toutes les armes et munitions en dépôt de la ville, ci-devant propriété du gouvernement égyptien et s'en retourna pour le Choa, laissant trois mille de ses fusiliers campés sur une hauteur voisine de la ville et confiant l'administration de la ville à l'oncle de l'Emir Abdullaï, Ali Abou Béker, que les Anglais avaient, lors de l'évacuation, emmené prisonnier à Aden, pour le lâcher ensuite, et que son neveu tenait en esclavage dans sa maison.



(à suivre)





M. RIMBAUD

au Harrar et au Choa

(suite et fin)

(Voir le N° du Bosphore du jeudi 25 août)



Il advint, par la suite, que la gestion d'Ali Abou Beker ne fut pas du goût de Mékounène, le général agent de Ménélik, lequel descendit dans la ville avec ses troupes, les logea dans les maisons et les mosquées, emprisonna Ali, et l'expédia enchaîné à Ménélik.

Les Abyssins entrés en ville, la réduisirent en un cloaque horrible, démolirent les habitations [,] ravagèrent les plantations, tyrannisèrent la population comme les nègres savent procéder entr'eux, et, Ménélik continuant à envoyer du Choa des troupes de renfort suivies de masses d'esclaves, le nombre des Abyssins actuellement au Harrar peut être de douze mille, dont quatre mille fusiliers armés de fusils de tous genres, du Remington au fusil à silex.

La rentrée des impôts de la contrée Galla environnante ne se fait plus que par razzias où les villages sont incendiés, les bestiaux volés, et la population emportée en esclavage. Tandis que le gouvernement égyptien tirait sans efforts de Harrar quatre mille livres, la caisse abyssine est constamment vide. Les revenus des Gallas, de la douane, des postes, du marché, et les autres recettes sont pillés par quiconque se met à les toucher. Les gens de la ville émigrent, les Gallas ne cultivent plus. Les Abyssins ont dévoré en quelques mois la provision de dourah laissée par les Egyptiens et qui pouvait suffire pour plusieurs années. La famine et la peste sont imminentes.

Le mouvement de ce marché dont la position est très importante comme débouché des Gallas le plus rapproché de la côte, est devenu nul. Les Abyssins ont interdit le cours des anciennes piastres égyptiennes qui étaient restées dans le pays comme monnaie divisionnaire des thalaris Marie Thérèse, au privilège exclusif d'une certaine monnaie de cuivre qui n'a aucune valeur. Toutefois j'ai vu à Antotto quelques piastres d'argent que Ménélik a fait frapper à son effigie, et qu'il se propose de mettre en circulation au Harrar, pour trancher la question des monnaies.

Ménélik aimerait à garder le Harrar, en sa possession, mais il comprend qu'il est incapable d'administrer le pays, de façon à en tirer un revenu sérieux, et il sait que les Anglais ont vu d'un mauvais œil l'occupation abyssine. On dit, en effet, que le gouverneur d'Aden qui a toujours travaillé avec la plus grande activité au développement de l'influence britannique sur la côte Somalie, ferait tout son possible pour décider son gouvernement à faire occuper le Harrar au cas où les Abyssins l'évacueraient, ce qui pourrait se traduire par suite d'une famine, ou des complications de la guerre du Tigré.

De leur côté, les Abyssins au Harrar croient chaque matin voir apparaître les troupes anglaises au détour des montagnes. Mékounène a écrit aux agents politiques anglais à Zeilah et à Berbera de ne plus envoyer de leurs soldats au Harrar ; ces agents faisaient escorter chaque caravane de quelques soldats indigènes. Le gouvernement anglais, en retour, a frappé d'un droit de cinq pour cent l'importation des thalaris à Zeila, Boulhar et Berbera. Cette mesure contribuera à faire disparaître le numéraire déjà très rare au Choa et au Harrar, et il est à douter qu'elle favorise l'importation des roupies, qui n'ont jamais pu s'introduire dans ces régions, et que les anglais ont aussi, on ne sait pourquoi, frappées d'un droit d'un pour cent à l'importation par cette côte.

Ménélik a été fort vexé de l'interdiction de l'importation des armes sur les côtes d'Obock et de Zeilah. Comme Joannès rêvait d'avoir son port de mer à Massouah, Ménélik, quoique relégué fort loin dans l'intérieur, se flatte de posséder prochainement une échelle sur le golfe d'Aden. Il avait écrit au Sultan son territoire. A son entrée au Harrar il s'est déclaré souverain de toutes les tribus jusqu'à la côte, et donné commission à son général, Mékounène, de ne pas manquer de s'emparer de Zeilah ; seulement les européens lui ayant parlé d'artillerie et de navires de guerre, ses vues sur Zeilah se sont modifiées, et il a écrit dernièrement au gouvernement français pour lui demander la cession d'Ambado.

On sait que la côte, du fond du golfe de Tadjourah jusqu'au delà de Berbera, a été partagée entre la France et l'Angleterre de la façon suivante : la France garde tout le littoral, de Gubbet Kérab à Djibouti, un cap à une douzaine de milles au nord-ouest de Zeilah, et une bande de territoire de je ne sais combien de kilomètres de profondeur à l'intérieur, dont la limite du côté du territoire anglais est formée par une ligne tirée de Djibouti à Ensa, troisième station sur la route de Zeilah au Harrar. Nous avons donc un débouché sur la route du Harrar  et de l'Abyssinie. L'Ambado dont Ménélik ambitionne la possession est une anse près de Djibouti, où le gouverneur d'Obock avait depuis longtemps fait planter une planche tricolore que l'agent anglais de Zeilah faisait obstinément déplanter, jusqu'à ce que les négociations fussent terminées. Ambado est sans eau, mais Djibouti a de bonnes sources ; et des trois étapes rejoignant notre route à Ensa, deux ont de l'eau. En somme[,] la formation des caravanes peut s'effectuer à Djibouti, dès qu'il y aura quelque établissement pourvu des marchandises indigènes et quelque troupe armée. L'endroit jusqu'à présent est complètement désert. Il va sans dire qu'il doit y être laissé port franc si l'on veut faire concurrence à Zeilah.

Zeilah, Berbera et Bulhar restent aux Anglais ainsi que la baie de Samawanak, sur la côte de Gadiboursi, entre Zeilah et Bulhar, point où le dernier agent consulaire français à Zeilah, M. Henry, avait fait planter le drapeau tricolore, la tribu Gadiboursi ayant elle-même demandé notre protection, dont elle jouit toujours. Toutes ces histoires d'annexions et de protections avaient fort excité les esprits sur cette côte pendant ces deux dernières années.

Le successeur de l'agent français fut M. Labosse, consul de France à Suez, envoyé par intérim à Zeilah où il apaisa tous les différends. On compte à présent environ cinq mille Somalis protégés français à Zeilah.

L'avantage de la route du Harrar pour l'Abyssinie est très considérable, tandis qu'on n'arrive au Choa par la route de Dankalie qu'après un voyage de cinquante à soixante jours par un affreux désert, et au milieu de mille dangers ; le Harrar, contrefort très avancé du massif éthiopien méridional, n'est séparé de la côte que par une distance franchie aisément en une dizaine de jours par les caravanes.

La route est fort bonne, la tribu Issa, habituée à faire des transports, est fort conciliante, et on n'est pas chez elle en danger des tribus voisines. 

Du Harrar à Antotto, résidence actuelle de Ménélik, il y a une vingtaine de jours de marche sur le plateau des Itous. Gallas, a une altitude moyenne de 2500 mètres, vivres, moyens de transport et de sécurité assurés. Cela met en tout un mois entre notre côte et le centre du Choa, mais la distance au Harrar n'est que de douze jours, et ce dernier point, en dépit des invasions, est certainement destiné à devenir le débouché commercial exclusif du Choa lui-même et de tous les Gallas. Ménélik lui-même fut tellement frappé de l'avantage de la situation du Harrar, qu'à son retour, se remémorant les idées des chemins de fer que des européens ont souvent cherché à lui faire adopter, il cherchait quelqu'un à qui donner commission ou concession des voies ferrées du Harrar à la mer : il se ravisa ensuite, se rappelant la présence des anglais à la côte ! Il va sans dire que, dans le cas ou cela se ferait, (et cela se fera d'ailleurs, dans un avenir plus ou moins rapproché) le gouvernement du Choa ne contribuerait en rien aux frais d'exécution. 

Ménélik manque complètement de fonds, restant toujours dans la plus complète ignorance (ou insouciance) de l'exploitation des ressources des régions qu'il a soumises et continue à soumettre. Il ne songe qu'à ramasser des fusils lui permettant d'envoyer ses troupes réquisitionner les Gallas. Les quelques négociants européens montés au Choa ont rapporté à Ménélik, en tout dix mille fusils à cartouches et quinze mille fusils à capsules, dans l'espace de cinq ou six années. Cela a suffi aux Amhara pour soumettre tous les Gallas environnants, et le Dedjatch Mékounène au Harrar, se propose de descendre à la conquête des Gallas jusqu'à leur limite sud vers la côte de Zanzibar. Il a pour cela l'ordre de Ménélik même, à qui on a fait croire qu'il pourrait s'ouvrir une route dans cette direction pour l'importation des armes. Et ils peuvent au moins s'étendre très loin de ces côtes, les tribus Gallas n'étant pas armées.

Ce qui pousse surtout Ménélik à une invasion vers le Sud, c'est le voisinage gênant et la suzeraineté vexante de Joannès. Ménélik a déjà quitté Ankober pour Antotto. On dit qu'il veut descendre à Djimma Abba-Djifar, le plus florissant des pays Gallas, pour y établir sa résidence, et il parlait aussi d'aller se fixer au Harrar. Ménélik rêve une extension continue de ses domaines au sud, au-delà de l'Hawach, et pense peut-être émigrer lui-même des pays Amhara au milieu des gallas neufs, avec ses fusils, ses guerriers, ses richesses, pour établir, loin de l'empereur un empire méridional comme l'ancien royaume d'Ali Alaba.

On se demande quelle est et quelle sera l'attitude de Ménélik pendant la guerre italoabyssine. Il est clair que son attitude sera déterminée par la volonté de Joannès, qui est son voisin immédiat, et non par les menées diplomatiques de gouvernements qui sont à une distance de lui infranchissable, menées qu'il ne comprend d'ailleurs pas et dont il se méfie toujours. Ménélik est dans l'impossibilité de désobéir à Joannès, et celui-ci, très bien informé des intrigues diplomatiques où l'on mêle Ménélik, saura bien s'en garer dans tous les cas. Il lui a déjà ordonné de lui choisir ses meilleurs soldats, et Ménélik a dû les envoyer au camp de l'empereur à l'Asmara. Dans le cas même d'un désastre, se serait sur Ménélik que Joannès opérerait sa retraite. Le Choa, le seul pays Amhara possédé par Ménélik, ne vaut pas la quinzième partie du Tigré. Ses autres domaines sont tous [les] pays Gallas précairement soumis, et il aurait grand peine à éviter une rébellion générale dans le cas où il se compromettrait dans une direction ou une autre. Il ne faut pas oublier non plus que le sentiment patriotique existe au Choa et chez Ménélik, tout ambitieux qu'il soit, et il est impossible qu'il voit un honneur ni un avantage à écouter les conseils des étrangers.

Il se conduira donc de manière à ne pas compromettre sa situation déjà très embarrassée, et comme chez ces peuples on ne comprend et on accepte rien que ce qui est visible et palpable, il n'agira personnellement que comme le plus voisin le fera agir, et personne n'est son voisin que Joannès, qui saura lui éviter les tentations. Cela ne veut pas dire qu'il n'écoute avec complaisance les diplomates ; il empochera ce qu'il pourra gagner d'eux, et au moment donné, Joannès, averti, partagera avec Ménélik. Et encore une fois, le sentiment patriotique général et l'opinion du peuple de Ménélik sont bien pour quelque chose dans la question. Or, on ne veut pas des étrangers, ni de leur ingérence, ni de leur influence, ni de leur présence sous aucun prétexte, pas plus au Choa qu'au Tigré, ni chez les Gallas.

Ayant promptement réglé mes comptes avec Ménélik, je lui demandai un bon de paiement au Harar, désireux que j'étais de faire la route nouvelle ouverte par le Roi à travers les Itous, route jusqu'alors inexploré , et où j'avais vainement tenté de m'avancer du temps de l'occupation égyptienne du Harar. A cette occasion, M. Jules Borelli demanda au Roi la permission de faire un voyage dans cette direction, et j'eus ainsi l' honneur de voyager en compagnie de notre aimable et courageux compatriote, de qui je fis parvenir ensuite les travaux géodésiques, entièrement inédits de cette région.

Cette route compte sept étapes au-delà de l'Hawach et douze de l'Hawach au Harrar sur le plateau Itou, région de magnifiques pâturages et de splendides forêts à une altitude moyenne de 2, 500 mètres, jouissant d'un climat délicieux. Les cultures y sont peu étendues, la population y étant assez claire, ou peut-être s'étant écartée de la route par crainte des déprédations des troupes du Roi. Il y a cependant des plantations de café, les Itous fournissant la plus grande partie des quelques milliers de tonnes de café qui se vendent annuellement au Harrar. Ces contrées très salubres et très fertiles, sont les seules de l'Afrique Orientale adaptées à la colonisation européenne.

Quant aux affaires au Choa à présent, il n'y a rien à importer, depuis l'interdiction du commerce des armes sur la côte. Mais qui monterait avec une centaine de mille thalaris pourrait les employer dans l'année en achats d'ivoire et autres marchandises, les explorateurs ayant manqué ces dernières années et le numéraire devenant excessivement rare. C'est une occasion. La nouvelle route est excellente, et l'état politique du Choa ne sera pas troublé pendant la guerre, Ménélik tenant avant tout, à maintenir l'ordre en sa demeure.

Agréez, Monsieur, mes civilités empressées.

Rimbaud



 

 

 

 

 

 

Tadjourah, la "ville blanche"

http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?p=117405986

Lac salé

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Karoum_(Éthiopie)#/media/File:Ethiopie-Exploitation_du_sel_au_lac_Karoum_(10).jpg

Caravanes chargées de sel sur le lac salé.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Karoum_(%C3%89thiopie)#/media/File:Ethiopie-R%C3%A9gion_Afar-Caravane_de_sel_(18).jpg


Ghoubbet-el-Kharab

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ghoubbet-el-Kharab#/media/File:Goubet.jpg

 

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Asmara (capitale de l'actuelle Erythrée)

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